Le reflet de notre image, lorsqu’on la regarde dans une glace, ne correspond pas toujours à l’idée qu’on avait de son corps. Il nous montre même souvent que nous sommes un monstre, paré d’un nez plus écrasé que pointu, des yeux gros arrondis, rouges et ressortis, qui effraient plutôt qu’ils ne rassurent, des entonnoirs à la place des oreilles ! Bref, quelque chose d’épouvantable…
Le forum, initié par le chef supérieur Batcham les 30 et 31 août 2002, aura permis aux Batcham d’apprendre à s’asseoir et à se regarder ! C’est le moins que l’on puisse dire ; ils l’ont fait avec tant d’humilité et de patience que le responsable de la coordination desdites assises que j’avais eu l’honneur d’être s’est demandé, comme cela arrive souvent de s’étonner en ‘‘Ngiemboon’’, si le soleil ne devait pas s’éteindre et le déluge s’abattre sur les terres sacrées de nos ancêtres. Mais rien de tout cela n’arriva !
Au-delà d’un diagnostic sectoriel et d’une analyse sévère de la situation du développement de leur village, les Batcham, en 2 jours, avaient pris le courage de se raconter tel qu’ils sont, non plus tel qu’ils croient être. Ils avaient enfin, mis les pieds sur terre, cette planète des humains où l’on n’invente plus la roue depuis belle lurette. Ils avaient compris qu’ils étaient restés longtemps, mais alors très longtemps, les monstres du développement : une sorte de mastodonte dont le cerveau était fait de morceaux de cailloux, les cornes au front, les yeux sous le menton, à la place de l’oreille et les pieds ne sachant aller qu’à contre courant.
Et pourtant, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette prise de conscience aura été la plus grande victoire que peut se targuer d’avoir emporté ce peuple sur lui-même depuis près de 50 ans ; elle a traduit le fait que les Batcham ont résolu de ne plus jamais se laisser aller et qu’ils ont refusé à jamais de donner d’eux-mêmes cet abject image d’extra-terrestre qu’ils ne sont pas en réalité. Ne dit-on pas que ce sont les imbéciles qui ne savent pas se remettre en question ?
Cette sorte de conférence nationale du groupement Batcham, minutieusement préparée par la chefferie, aura été l’occasion sereinement exploitée par les filles et fils Batcham : elle a engendré les bases d’un décollage économique et socioculturelle déterminant et palpable grâce à l’analyse des problèmes récurrents relatifs à l’éducation, la santé, la femme et le développement, le sport et la culture, les infrastructures, l’environnement, la chefferie traditionnelle, la communication et l’économie et finance ; toutes préoccupations concernant directement les populations de cette entité géographique.
Aujourd’hui, Batcham dispose d’un comité de développement dynamique travaillant sur la base d’une feuille de route multisectorielle bien précise, issue des résolutions et recommandations dudit forum. Le mot clé à méditer par tous, reste la culture d’un comportement social abondant de solidarité, de tolérance et de paix entre frères et sœurs.
Au regard de ce résultat, le forum de relance du GODEGBA aura fait mieux que ce que son géniteur S.M. Sonkwe aurait imaginé. Il a été véritable Assemblée constituante du développement social, économique et culturel du peuple Batcham dont les résolutions, constituent pour la postérité, le creuset de son idéal profond. Chaque génération d’origine ou pas aurait tort de ne pas le méditer, de ne pas s’en inspirer.
Toutefois, il ne dépend que de nous, peuple valeureux, nombreux et très déterminé à persévérer dans la conduite, le plus loin possible, de notre destin ; en adhérant résolument et en participant de manière active et multiforme aux programmes d’activité du CODEGBA que nous avons volontairement crée.
Les Batcham, peuple qui accompli toujours ses promesses, ‘Pa Goon Nhô’, pourront alors se donner rendez-vous dans une dizaine d’années et prendre la mesure du grand salut qu’ils auraient effectué dans les arcanes du développement. Bravo !
Victor Sonkwa
© Publié dans le journal Mesa’ako Patsoon N°01. Sous DP : Elvis Tagwa Sa’a.