A son fondement de Batcham était :
– Une mission : l’Amour du prochain.
– Une ambition : créer un village (La’a) grand comme le monde (Ngouong) ; un village peuplé d’hommes au cœur bon (Tsoon Boong).
Au commencement donc, Batcham était La’a Tsoon (village, pays des Tsoon) et La’a Tsoon était peuplé des Tsoon Boong (êtres miséricordieux); puis un jour, les Patsoon voulurent créer un Gouong Tsoon (Monde des Tsoon). Le rêve d’un grand village où il fait bon vivre naquit au Pays Patsoon. Un rêve, peutêtre une illusion qui a germé dans le cerveau des Batcham avant que des mécréants chevaleresques ne sortent de nulle part pour ôter la tête à leur chef Longouo. C’est le sens de la fameuse »idée du Grand Batcham ». L’histoire retient que, Longouo est sans nul doute, le Socrate Africain qui enfanta cette idée savante et humanitaire.
De Fouo Patsoon, à Fouo Tsoon Gouong.
Longouo était le Fua Patsoon, Fouo Patsoon, Fo’o Batsoon, Fouo Tsoon Gouong ou Tatsobong…, selon les traductions). Longouo dit-on, parcourait les sentiers des terres Ngiemboon pour prêcher son idéal humain. Il fut le Jésus Batcham de ces temps immémoriaux du calendrier Ngap Njio (système de datation bamiléké comportant des semaines de huit jours). Fut-il le messie africain, porteur d’un message divin de »rassemblement des peuples par la miséricorde et le pardon » ?
Malheureusement, comme bien d’autres »Grands » de ce monde, Longouo, ne vendra pas cher sa peau. Fut-il empoisonné comme Socrate d’Athènes et/ou crucifié comme Jésus de Nazareth ? Ce que l’histoire nous apprend, c’est que Longouo de Patsoon a été lâchement assassiné par les guerriers Tchamba, qui lui tranchèrent la tête, entre Mbékouo et Nghante, aux environs de Bangang vers 1830. Ce chef humaniste ne vivra pas assez longtemps pour connaître la colonisation. Il n’imaginera pas que sa brusque disparition serait suffisante pour expier de l’Esprit Batcham son idéal de village humanitaire.
En effet, Longouo n’aura pas vécu longtemps pour voir les mêmes Tchamba revenir aux côtés des colons avec pour mission de fumer avec acharnement, à maintes reprises, le siège du royaume Patsoon. Longouo n’imaginera même pas que son Petit Fils Fomekong, qui succéda à son fils Djou allait changer de tactique de rassemblement et voudra, tel le roi Mbouo Mbouo des Bamoum, instaurer, par la force, l’idée du grand Batcham avec la pointe de ses flèches et des prouesses magiques qu’on lui »prête » dans ses »épopées » très rependues. Longouo, était-il lui-même un mage ? Guérissait-il les malades ? Faisait-il des miracles ?
Nous le saurons peut-être en suivant ce que démontrera sa progéniture à la suite, car chez les Bamiléké, il est de coutume que lorsqu’on succède à quelqu’un, on porte son »sac ».
Longouo : son école.
L’histoire orale nous apprend également que Longouo aurait développé un système de consignation des mémoires pour enrichir ses enseignements et assurer la transmission des connaissances et de la sagesse. On cite entre autres :
– la composition des chants sur le véhicule des proverbes et des dictons ;
– les graffitis sur bois pour consigner les symboles et les signes invocateurs ;
– l’arrangement des sons de tamtams et balafons pour véhiculer des messages spécifiques (recueillement, rassemblement, détresse, réjouissance) bref pour annoncer des bonnes comme des mauvaises nouvelles, – la conception des figurines et statuettes définissant les postures protocolaires et des attitudes recommandées en milieu public comme réservé ;
– les sculptures sur bois représentant les scènes de la vie quotidienne etc.
Mais, saura-t-on à quoi pouvaient ressembler ou comment pouvait retentir ces supports de pédagogie antique ?
Seul un devin de l’histoire Patsoon serait à même de répondre, du moment où l’on se souvient que les résidences des souverains Batcham auraient été passées sous les flammes et ses lieux réservés profanés au moins une demi-douzaine de fois. Soit une fois sous Longouo lui-même, juste après que sa tête ait été ôtée du reste de son corps par les Tchamba vers 1830, plusieurs fois sous Fouo Fomekong entre 1903 (arrivée des Allemands) et 1917 (fin de son règne) et deux fois sous le règne récent de Fouo Dzuatio en 1957 et 1959 alors qu’il était Honorable Député à l’Assemblée Territoriale du Cameroun pré- indépendant.
© Extraits de La naissance du peuple Patsoon Boong (Batcham) de Théophile TATSITSA ; P48 et 49. Publié dans ‘‘NGHIE POUO PATSO’ON 2009’’.
http://books.google.fr/books?id=RYBLDNqbcxIC&printsec=frontcover&dq=patsoon+boong&cd=1#v=onepage&q=&f=false