Cet article présente dans son intégralité l’exposé n°02 de la conférence de presse qui avait été organisée le 27 février 1999 au Hilton hôtel de Yaoundé, par le Groupe d’Appui aux Initiatives de Développement (GAID), en prélude à la première foire expo’culturelle et artisanale qui s’est tenue à Batcham-Balena, du 05 au 07 mars 1999.
Cette communication qui a pour thème Le symbolisme (message) du masque dans la tradition africaine été préparée par le Pr GERVAIS MENDO ZE, alors Directeur Général de la CRTV a présenté Norbert ELOUNDOU ENGAMBA, Journaliste à la CRTV
L’art plastique est sans conteste l’un des modes les plus courants de l’expression traditionnelle africaine. Objet de curiosité dans certains musées célèbres, souvenir exotique de la mystérieuse Afrique pour bien des touristes, création bizarre pour ceux qui n’en comprennent pas les canons, objet de vénération pour quelques initiés : cet art, c’est évident, ne laisse personne indifférent. Il m’a été proposé de vous entretenir cet après-midi sur le « symbolisme du masque dans la tradition africaine ». Mais au-delà du masque spécifiquement, c’est toute la statuaire africaine qui est porteuse de signification. Notre propos va donc s’élargir à la statue et pas simplement se limiter au masque africain.
« Symbolisme de la statuaire dans la tradition africaine ».
Commençons par nous entendre sur quelques termes de cet énoncé : on trouve également des créations expressionnistes d’art plastique. Des yeux tubulaires, le front bombé, le nez épaté, des lèvres épaisses, etc. Chez les Dan-Guéré de Côte d’Ivoire par exemple, les yeux tubulaires confèrent à la statue, ou au masque un rôle de surveillance de toute déviance sociale. Comme si de grands yeux voyaient tout, partout, même lorsqu’on se croit caché.
Les postures et attitudes
Les postures et la symétrie des formes varient en fonction des impressions que sont supposées dégager les œuvres. On notera dans certaines réalisations une forte tendance aux lignes anguleuses et sévères, alternant des plans verticaux et horizontaux ; dans d’autres, des traits plus réalistes déploient une riche expression faciale ou simplement attitudinale. L’expression corporelle paraîtra sereine, recueillie, ou noble, menaçante ou vigilante, selon le cas et la fonction de la statue.
–Longiforme, les éléments morphologiques présentent un tronc allongé, une petite ou moyenne tête, un long cou, de petite jambe.
-La statue peut aussi être équiforme, tous ses éléments constitutifs sont alors considérés comme de taille moyenne.
-Dans le cas de la statue bréviforme, elle se caractérisera par une grosse tête, les autres éléments étant plutôt rabougris, trapus.
Deuxième modalité : Les détails principaux tels que les caractères de la face, la forme de la tâte, la coiffure, les bras et les jambes.
Troisième modalité : Les détails secondaires se situent au niveau de la bouche, du nez, des oreilles, des yeux, du nombril, des seins et du sexe. Ces caractéristiques morphologiques sont des éléments d’identification des différents styles artistiques.
Des traits récurrents comme de petites jambes renvoient à l’image d’un ressort comprimé, capable de rebondir, l’image aussi d’une accumulation d’énergie vitale.
LA THÉMATIQUE DANS LA STATUAIRE TRADITIONNELLE
La fonction et l’usage de la statue en inspirent la thématique globale. Les représentations sont tantôt « zoomorphistes », lorsqu’elles dépeignent des formes d’animaux, tantôt anthropomorphiques lorsqu’elles symbolisent des personnes humaines.
Les thèmes zoomorphistes
Chez les Bambara, le mythe de l’antilope fabuleuse (qui apprit aux hommes à cultiver la terre) inspire de nombreuses œuvres. Cet animal mythique à fonction magique est stylisé pour capter la force vitale de l’antilope.
Chez les Senoufo, un masque cracheur de feu, stylisant une bête bizarre, sert dans les rites de protection contre les sorciers.
Chez les Bamoun du Cameroun également, de nombreuses représentations animales existent, dont la plus célèbre : celle du serpent à deux têtes. On peut multiplier à souhait des exemples…
En général toutefois, les symboles zoomorphistes sont souvent associés à des thèmes relatifs à une mystique protectrice de ceux qui s’en servent. Ils portent aussi des messages « totémiques », de force et de courage …
Les thèmes anthropomorphiques
Le thème de l’ancêtre protecteur est sans conteste le plus répandu, dans la statuaire africaine anthropomorphique. On se tourne vers lui, l’ancêtre, pour toutes les circonstances du quotidien, surtout en cas de difficultés, pour faire venir les pluies, protéger les récoltes, sauver du malheur. L’être humain est considéré ici comme le seul médiateur possible entre le monde des vivants et celui des morts, le seul à posséder un corps visible, et une âme invisible.
En dehors du culte dû aux ancêtres protecteurs, la thématique ici traite de divers sujets initiatiques ou simplement éducatifs : la féminité, mieux la maternité, la solidarité, le travail, le respect de l’ordre et de l’autorité.
Le déploiement de ces thèmes est souvent fonction des valeurs que charrie chacun des groupes utilisateurs. Ainsi retrouvera-t-on, dans les communautés fortement centralisées, une grande récurrence de statues et masques se référant au roi, aux égards qui lui sont dus. D’ailleurs, généralement, l’autorité féodale dispose de nombreux artistes uniquement à son service.
A l’inverse, chez les Pahouins acéphales, d’autres thèmes, comme la féminité vont prédominer, compte tenu dans ce cas du rôle que jouait la femme dans la transmission des connaissances et l’éducation des enfants.
Pour conclure ce propos, on retiendra que derrière la statue ou le masque traditionnel africain, se cache une interaction entre les vivants et l’esprit des ancêtres. Le symbolisme va traduire indifféremment le respect aux ancêtres, ou des valeurs religieuses et sociales partagées. Protectrice des vivants, source d’inspiration ou de prévention des égarements, la statue est bien souvent une grande messagère en fin de compte.
Je vous remercie.
A suivre…
© Extrait du Compte rendu de la conférence de presse du 27 février 1999 au Yaoundé, Hilton hôtel, organisée par le groupe d’appui aux initiatives de développement (GAID), en prélude à la première foire expo’culturelle et artisanale à Batcham-Balena du 05 au 07 mars 1999.
Bafoussam, Mai 2013, Par Tatiodjio Martin To’on Gotlieb,
DEA-Histoire des Civilisations, Professeur des Lycées
La première communication de cette série a été publiée dans l’édition N°07 du Journal Mesa’ako Patsoon, Edition Spéciale Relance du CODEGBA, Janvier 2023.
Pour mieux appréhender ce masque, ne ratez aucun des exposés qui vous seront présentés dans les prochaines éditions du Journal Mesa’ako Patsoon.