Ce que les Batcham attendent de leur nouveau Chef Supérieur
Fouo Djiotsoon, 14ème Roi, intronisé le 9 août 2025
SOUS LA CENDRE, LE FEU!
Par Simon Pierre Kenne Fouedong
Sous la cendre le feu! Non pas pour faire un clin d’œil à la célèbre romancière Évelyne Mpoudi Ngolé, mais bien plutôt pour métaphoriser sur la fédération autour du roi qui a été retenue comme thème central de l’intronisation, mais qui devra se faire chaque jour toujours plus effective bien au-delà du 09 Août. Partons du trône resté inoccupé pendant 17 ans, pour les raisons que nous connaissons tous. Puis, tout d’un coup, l’entrée au laakem. A 22 ans! C’est donc bien le cas de dire qu’il n’est jamais trop tard, Djuatio Etienne l’arrière-grand-père du jeune roi Djintsa Sonkwe Adrien ayant en son temps pris les rènes à un âge beaucoup plus précoce, à un si jeune âge qu’une frange de la notabilité surfa sur un possible report de son ascension. Heureusement que des personnages de la trempe d’un Ndé Njioti étaient là pour donner du poing sur la table! Et comme l’histoire ne cesse jamais de se répéter, voici qu’aujourd’hui a contrario s’est à tort ou à raison posée la question du report de l’initiation du prince héritier dont la majorité est pourtant bien sonnée! Ce qui ne manque pas de créer un climat délétère autour des préparatifs pour son intronisation finalement fixée au 09 Août.
Dans le cadre de ces préparatifs, Batcham Diaspora auquel j’appartiens s’est voulu fidèle aux institutions et jaloux de l’image de son Batcham natal. Aussi, pour rehausser l’événement, a-t-il choisi de s’investir dans le crépissage du complexe multifonctionnel et des 2 guérites qui jouxtent l’entrée du palais royal. Pour cela, il fallait réunir des fonds à hauteur de 19.000.000 de francs cfa de devis estimatif. Seulement, au final, de tous les Batcham résidant à l’extérieur du Cameroun: de l’Afrique aux Amériques et de l’Europe à l’Asie, c’est tout au plus 2 dizaines d’individus qui se sont activés, se contraignant à faire le porte-à-porte dans les imbox pour quêter, quémandant presque. Certes, parmi la multitude de voies qui s’offrent pour marquer l’adhésion à cette intronisation, chaque Batcham est libre de choisir le canal qui lui convient le plus. Même la non-adhésion est un choix certes peu respectable, mais tolérable. Là où le bas blesse, c’est quand certains s’emploient clairement au torpillage. A dire vrai, il n’y aurait pas d’exagération à affirmer que dans les rangs de la diaspora et du point de vue de la spontanéité, la reconstruction du simple complexe scolaire de Bamessang aura suscité bien plus d’engouement que l’intronisation royale qui pourtant est d’une grandeur incomparable. Et dire que la diaspora n’est qu’un reflet du Batcham global!
Batcham, amalgame de lignages historiques venus d’horizons divers qui se sont constitués en plus de 60 villages dont Sa Majesté Djintsa Sonkwe Adrien se doit d’engraisser la cohésion! Mission régalienne déjà en soi non des plus aisées, mais à laquelle viennent s’ajouter, comme si cela ne suffisait pas, ces léthargies qui poussent parfois le goulot jusqu’au torpillage. Comme quoi, sous la cendre Batcham, le feu couve; les cous gonflent!
Le jeune roi Djintsa Sonkwe Adrien a donc du pain sur la planche! Mais dans l’inéluctable assainissement auquel la situation devra s’assujettir, il y a un préalable coutumier qui ne devra en aucun cas être perdu de vue: c’est que le roi est le père du peuple, de tout le peuple, sans exclusion; par ce que son cou est en permanence ensemencé de sel. La coutume met ainsi à disposition une table grande, suffisamment grande pour que tout le monde puisse s’asseoir tout autour.
Des voix s’étaient pourtant déjà levées pour indiquer cette voie, ce qui avait abouti le 10 mai 2025 au regroupement de toutes les forces vives autour du jeune roi. Mais si malgré cela les dents continuent de grincer, au point que certains poussent le nœud au torpillage et au souhait de l’échec, cela démontre à suffisance que plein de choses sont à revoir. Peut-être en commençant par faire que la formule ou le contenu même de ce genre concertation diffèrent de ce qui s’est passé le 10 mai!
Mais il y a un autre préalable coutumier: c’est qu’un roi est un roi. Cela étant, on ne peut que suggérer et laisser qu’il en fasse cas si ça lui chante, selon la formule qui lui sied. Et Dieu seul sait que de formules, il y en a. Auparavant par exemple, il y avait le kwifuo et son mode opératoire que l’on ne connaît que trop bien, avec notamment ses multiples chambres que la recherche optimale des solutions faisait au besoin élargir aux personnalités ressources de la société civile. Aujourd’hui, il y a également les rassemblements du genre de la concertation déjà évoquée du 10 Mai 2025. Sans oublier les consultations individuelles: le roi n’est-il pas réputé avoir les yeux au sommet du crâne, ce qui implique dans le cas d’espèce qu’il voit tout, sait avec exactitude qui a besoin d’être ramené et peut fraternellement le convier à tout moment à un échange fructueux?
Les augustes et attentives oreilles royales sont donc toujours à disposition, mais il importe pour leur mise à profit que le peuple se rapproche, spontanément ou sur demande expresse. En fait, autant il est difficile de composer avec le désintérêt, autant le désintérêt laisse le ver se développer dans le fruit. Fuir n’est donc pas une solution, il ne l’a jamais été et ne le sera jamais. Mais le pire, c’est lorsque l’on se désintéresse tout en s’employant à désintéresser quiconque manifeste de l’intérêt. C’est bien ce que font ceux qui manœuvrent dans l’ombre pour un 09 Août peu mémorable. Batcham Diaspora a vécu sur sa peau les effets d’une telle bassesse, avec le torpillage de ses campagnes de mobilisation. Pourtant, une sagesse populaire recommande bien de ne pas détester au point de convier à la détestation.
Soyons clairs: bien après l’intronisation, Batcham devra continuer de dialoguer avec lui-même. Seulement que dans le cadre de cet incontournable échange, il importe de savoir que nul ne peut en imposer aux rois, tout comme les rois, pour ce qui les concerne, ne doivent pas s’en laisser compter; au risque de faire vaciller l’institution qu’ils incarnent. Depuis l’aube des temps par exemple, l’élite économique a toujours été le bras financier du pouvoir dont il a la mission d’accompagner la politique. Mais jamais la royauté n’a exhaussé la prétention des argentiers de vouloir orienter coûte que vaille sa politique générale. Bien au contraire, la royauté s’est toujours employée à faire de l’élite, une obligée. C’est d’ailleurs sous cet angle qu’il convient d’apprécier l’acception d’un Batcham en retard avec la distribution des titres de noblesse. Ainsi se trouvent désormais clarifiées les raisons pour lesquelles chaque règne s’exerce à distribuer les titres autant que faire se peut.
En fait, bien qu’il soit communément admis que c’est le peuple qui fait le roi, il est tout de même malveillant pour un peuple de donner du poing sur la table de son roi. Tout au plus la coutume concède-t-elle au peuple de chuchoter à l’oreille du roi. Le roi pour sa part n’a pas seulement de larges oreilles d’éléphant, il a aussi des bras grands comme la circonférence de Batcham; des bras suffisamment larges pour pouvoir embrasser autant de monde que possible, pourquoi pas le peuple dans son entièreté? A condition, bien entendu et comme déjà relevé, que le peuple se rapproche et lui susurre à l’oreille au lieu de donner dans la distance.
En tout état de cause et puisque Martin Luther King n’a pas le monopole du rêve, qu’il me soit donc permis, à moi aussi, de rêver… de rêver d’une table grande comme Batcham, de Sa Majesté Djintsa Sonkwe Adrien avec de larges oreilles d’éléphant, et enfin, d’une foule de Batcham guéris de la “ventripotence” à force de vomir.
Au-delà de l’immédiateté cependant, et donc de l’exorcisme de toute cette rancoeur qui pigmente la quotidienneté politique, qu’il me soit également concédé de naviguer en sous-bassement, de sonder les profondeurs de l’invisible et d’interroger les fondements même de la nation. A y regarder de près, c’est à se demander si les dieux n’en veulent pas à Batcham. C’est comme si Batcham ne trônait que sur du sable mouvant. Au fil des règnes et aussi longtemps que le souvenir défie le temps en effet, la milieu princier ne semble mû que par le remue-ménage, le remous, l’échauffourée ou la contestation. De Talondjou à Djintsa en passant par Fomekong, Fopa, Djuatio, Sonkoué, la musique est restée la même. L’abattage en 1941 de l’éléphant de Mbou à Bamougoum rend compte d’une royauté peu assise. Les exactions non exorcisées de Djuatio en rajoutent au malaise spirituel. L’assassinat de Sonkoué comme un vulgaire hêtre témoigne de l’inexistence d’un paravent ancestral. Quant à la mascarade initiatique et à l’incomplétude gouvernementale de l’actuel règne, avec elles, Dieu seul sait si l’homme Batcham pourra encore s’émouvoir devant une surprise, quelque forme qu’elle prenne. La coutume ouvre-t-elle seulement quelque brèche pour le colmatage, une fois que les vents contraires se seront estompés?
Mais où est donc passé l’ange protecteur de Batcham? A-t-il jamais commandé au destin de cette terre ou bien, tel un orphelin sans répères, Batcham s’est-il toujours mû au gré du vent? A dire vrai, de quelles fautes payons-nous donc les frais? Les termes du pacte fondateur de Poukgwong sont-ils respectés envers les dieux et envers les protagonistes de l’époque? L’entorse liée à la succession passée à une case consanguine du roi Talondépa fut-elle pacifiée dans les règles de l’art? Pourquoi Batcham connaît-il tant de soubressauts?
Mais trêve de lamentations! Car les destins se forgent et se redressent. Comme chantait justement l’artiste, no condition is permanent in this world. Aussi, une fois les vents contraires passés, l’actuel règne pourra-t-il s’il le veut saisir l’occasion d’entrer dans l’histoire, en s’inscrivant en faux contre toute cette charge karmique négative qui semble présider à la Destinée de Batcham, en interrogeant le passé pour redresser les torts et pallier aux manquements, en éteignant à jamais ce feu séculaire qui ne cesse de couver sous la cendre et de hanter la maison Batcham.
Simon Pierre Kenne Fouedong
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Portrait : https://mesaako.com/2025/10/07/portrait-qui-est-simon-pierre-kenne-fouedong/