Vision du développement par un souverain
Interview de Fuo Tatang Robert au journal Nghie Pouopatsoon, organe d’expression des élèves et étudiants Batcham de Yaoundé, numéro spécial consacré aux obsèques de feu Sa Majesté Robert Tatang
(Photo de Fuo Tatang Robert, portrait de Constant Nwentsa Takala et Alain Marcel Fomekong)
Nghie Pouopatsoon : A tout seigneur, nous sommes dans la somptueuse cour de la chefferie supérieure de Batcham. Sa Majesté Tatang Robert nous reçoit avec en main le protocole d’interview que nous lui avons remis un jour avant. Il est 10h 00. Majesté, bonjour et merci de l’honneur que vous nous faites en nous accordant cet entretien.
Sa Majesté Robert Tatang: Bonjour, soyez les bienvenus. Je dois dire que votre initiative est louable : c’est quelque chose de bien car il ya effectivement un problème d’information au sein de ce grand groupement.
Question : Vous êtes le quinzième chef Batcham. Votre règne paraît être l’un des plus longs après celui de Fuo Fomekong. Que ressentez-vous ?
Sa Majesté Robert Tatang: Disons que c’est un sentiment de fierté et lorsqu’on est face à un problème comme ça que l’on constate, je me dis qu’il ya des causes. On se demande qui faisait mourir si tôt les autres. Peut-être des abus charnels, alimentaires, parfois pas d’exercices physiques et il faut des maux qui anticipent la mort.
Question : Avant tout propos, nous souhaiterions nous intéresser à votre propre personne. Voudriez-vous nous dire qui est Tatang Robert ? (âge, cursus scolaire, votre curriculum vitae).
Sa Majesté Robert Tatang: oui disons que Tatang Robert est né 7 avril 1948, mon père était alors en prison à Bangangté. J’ai fait l’école primaire à Yaoundé, le secondaire à Saint Laurent de Bafou jusqu’en 5è parce que vous le savez, mon père est mort très jeune. J’ai joué au football, sociétaire du Racing club de Bafoussam. Une fois au trône en 1965, j’avais 17 ans. Je me suis mis à me former personnellement en autodidacte. Mes nouvelles fonctions me recommandaient des études en psychologie, en littérature et même en sociologie. Je suis toutefois allé très loin et même je continue car, comme vous le savez l’apprentissage est sans fin. Par ces études, j’ai pu connaître beaucoup de choses, des qualités pour administrer en tant que chef traditionnel. Ça m’a également permis d’entreprendre bien des choses comme mon agriculture, par exemple, je ne l’ai apprise dans aucune école. Mais par mes expériences personnelles, je parviens à m’y faire.
Question : Depuis votre intronisation en 1965, vous vous êtes illustré par votre ardeur au travail de la terre et l’élevage. Vous avez cultivé de la banane, du café, du haricot, des arachides, de la goyave, du piment et d’autres légumes acclimatés, et actuellement de l’ananas et des pommes de terre. Vous avez montré que le maïs peut pousser sur les terres rouges de Batcham pendant la saison sèche. Pouvez-vous nous dire ce qui sous-tend un tel dynamisme ?
Sa Majesté Robert Tatang: Vous voyez, j’ai constaté que la superficie de notre village est très petite par rapport à sa population. C’est pourquoi mon premier objectif était de faire face à cette carence, de démontrer aux populations que tout ce qui est produit ailleurs peut être également produit au village. C’est pourquoi généralement, je ne cultive pas la même chose en deux saisons. C’est ça le but premier de mes efforts et dès que j’estime que la population a compris le message, je change de culture. Toutefois, la plupart de mes administrés au lieu de m’imiter se plaisent à dire qu’on n’imite jamais le chef car les cultures du chef poussent sans entretien. Je prends alors ici le canal de votre journal pour dire non. Il faut que les gens comprennent que l’agriculture est une science exacte, qu’il suffit de payer le prix et le résultat vient. Pour la culture du haricot, je l’ai baptisée campagne non-stop c’est-à-dire sans attendre qu’il sèche, je les sème encore. J’ai introduit des manguiers, on peut avoir aisément milles sacs.
Question : Le groupement Batcham est au Cameroun l’un des plus densément peuplés d’après les recensements de 1987. Il fait d’ailleurs partie des quatre géants de la province de l’Ouest en termes de démographie. Quelle est la population exacte de Batcham en 1999 ?
Sa Majesté Robert Tatang: En termes de population, il faut voir dans deux sens sur le territoire même, on a 70 à 80 000 habitants. J’ai demandé aux chefs des communautés extérieures de procéder au recensement pour qu’on puisse objectivement évaluer la diaspora, ce qui n’est pas encore fait, mais on doit avoir autour de 40 000 dans la diaspora : Yaoundé, Douala et Bafoussam ont déjà ce qu’ils ont. Kumba, Mandjo et bien d’autres groupements regorgent de plus de 10 000 Batcham.
Question : N’êtes-vous pas débordé par un tel chiffre ?
Sa Majesté Robert Tatang: Ouf, quels efforts ! De toutes les façons, je dis que j’ai entamé certaines mesures, parce que l’information manquait et manque cruellement. Car l’élite intérieure et extérieure n’a pas joué le rôle qui est le sien, il en est de même pour l’élite intellectuelle parce que les mesures comme celles-là contribueront à la répartition du village en 11 secteurs de développement visant à fluidifier la gestion de la population pour faire rayonner notre groupement au niveau du Cameroun et renforcer notre rang. En effet, quel rôle doit jouer le secteur ? Dans ma conception propre, le secteur doit faire circuler l’information, faciliter la concertation des responsables. De plus, dans ma conception, un secteur est le groupement de plusieurs quartiers autour d’un centre comme une mission, un groupe scolaire, un centre de santé… pour essayer de résoudre un certain nombre de problèmes généraux dans le bloc. Pour moi, le secteur est une cellule fonctionnelle, c’est-à-dire qui assure la continuité de l’autorité traditionnelle car certaines fonctions étaient jusque-là absurdes par les chefs de quartier. Nous avons cru bon d’en assigner à certaines élites qui ont certaines qualités et la disponibilité. Cela n’était pas compris. Nous avons procédé à la nomination des représentants des chefs dans le secteur, les sous-secteurs de développement dans chaque secteur.
Je voudrais me résumer : beaucoup parlent de balkanisation. J’ai regroupé certains quartiers, seules quelques élites éprises du développement s’y sont alliées. Il ne fallait pas de rang, ni de diplôme pour avoir certaines responsabilités. C’est pourquoi j’ai créé les secteurs. En ville cela est possible mais ici au village non. Il ya des secteurs à un chef qu’il soit lettré ou non, mais plutôt à une élite comme je l’ai dit plus haut. Ce qui nous évitait d’inféoder certains chefs aux autres de même degré. Ce n’est donc qu’ainsi qu’on reproche l’administration traditionnelle des administrés parce qu’avec le boom démographique, les choses sont devenues très difficiles et hier quand je prenais le trône, nous étions 17 000, il fallait donc adapter la structure aux exigences de l’heure. J’ai créé le Conseil Supérieur de la Chefferie et le Conseil des Affaires Réservées, une structure fonctionnelle : le Comité de Développement et une structure fonctionnelle : du chef supérieur aux secteurs c’est l’exécutif.
Beaucoup ont craint que le pouvoir traditionnel retirait les pouvoirs du chef, mais nous pensons que pour mieux administrer, il faut que le message passe, qu’il n’y ait plus trop de labyrinthes qu’on puisse rencontrer aisément le chef quand c’est nécessaire, même chose dans les villes puisque les chefs de communauté sont mes représentants.
Question : Majesté, vous venez de le lire, est ce qu’au regard de cette forme de décentralisation le pouvoir traditionnel ne perd pas beaucoup sa substance ? En d’autres termes, n’y a-t-il pas désacralisation de certaines valeurs traditionnelles ?
Sa Majesté Robert Tatang: Non ! Je crois devoir adapter les structures de la population à la vie comme la sociologie le dit ; vous savez l’homme est par essence dynamique et évolutif. Il faut donc que lorsque l’homme évolue la structure qui la gère évolue, moi je m’inscris en faux contre ceux qui pensent que la tradition est statique. On ne saurait détacher tradition de culture et comme tel, il faudrait que la tradition évolue au rythme de la culture sans perdre son âme profonde bien sûr. A ce jour, si l’élite extérieure rentre au village, il n’y aura pas d’espace, or nous pouvons résoudre ce problème et le seul procédé c’est cette décentralisation qui facilite bien des choses.
Question : Au cours de la décentralisation quatre-vingt, vous avez appris la reconstruction de la chefferie Batcham. Mais aujourd’hui, on constate que les travaux n’évoluent plus et que les comités d’appui au développement n’existent plus. Qu’en est-il exactement ?
Sa Majesté Robert Tatang: je dois dire que la grandeur d’un peuple passe par le souci de son honneur. J’ai l’impression qu’à un certain moment les Batcham ont oubliés le sens de l’honneur. Il est malheureux qu’un village comme le nôtre entreprenne des choses et arrête à un moment. Chacun veut être le plus vu. Il a fallu à un moment donné que par nos efforts, je case les femmes. Il en est ainsi du comité de gestion. Depuis la création du comité de développement, nous avons été toujours victimes de la politisation. Quand vous créez une structure pour gérer 30 000 âmes, vous pensez que ce qui vous semble bon l’est pour tous. Ce qui est faux. Cette chefferie est le siège de nos institutions traditionnelles. J’ai toujours dit que je suis un homme passe. L’homme ne peut pas me juger, l’histoire jugera mon passage. Il y a des structures secrètes qu’on a déportées dans des domiciles privées faute d’infrastructures, ce qui est malheureux. La chefferie est obligée de refléter l’image des Batcham. C’est malheureux, mais hélas !
Question : Majesté, les Batcham ne cessent de s’interroger sur le sort réservé à ce palais inachevé qui les déshonore. Or ils savent que vous êtes capables de solliciter de l’aide auprès des pouvoirs publics, des mécènes, des organisations Non Gouvernementales (ONG) et surtout de l’UNESCO, pour la poursuite des travaux de ce joyau qui fera leur fierté. Qu’en dites-vous ?
Sa Majesté Robert Tatang: Je dirais d’abord que je m’inscris en faux contre les demandes d’aides pour une chose qu’on peut soi-même réaliser, il faut que tous le sachent. Dans la vie, quand on vous offre quelque chose, on vous aliène car vous devez passer au moins la vie à dire merci. A l’Ouest, il n’y a pas un peuple aussi dynamique que les Batcham. A Bafoussam, si je fais une tournée, le marché central ferme parce que tous les occupants ou la plupart sont Batcham. A Mokolo à Yaoundé c’est la même chose. Si avec un tel potentiel on doit faire des courbatures, alors là… Quand je viens à Yaoundé c’est par car de transport en commun et ceci est une honte… A l’Ouest, Batcham est le village le plus connu et il est malheureux que sa chefferie soit ce qu’elle est. Elle ne reflète pas mes valeurs intrinsèques, parce que, excusez-moi, je me connais.
Question : Vous avez dans le sillage du développement opéré la balkanisation du groupement Batcham en onze secteurs. Vous rêviez pour cela d’un développement global. Mais dix ans après cette initiative il semble que beaucoup ne vous ont pas compris. Que comptez-vous faire pour une relance effective ?
Sa Majesté Robert Tatang: Ouf… nous sommes déjà en train d’y apporter une solution. Le problème est celui de l’information, de culture. Il faut toujours se demander qui a motivé cette décentralisation. Qu’est6ce qu’elle vise ? Disons que cela rentre dans l’efficacité de la gestion. Regardez le pays, ses divisions en province ne sont pas une balkanisation mais une facilitation. Il s’agit pour nous de rendre l’autorité traditionnelle et son service plus efficace ; j’avais envie de partager mon pouvoir avec les Batcham de bonne volonté; or il ne fallait pas l’imposer mais le proposer et l’expliquer. J’ai fait travailler l’élite intérieure et extérieure en septembre 1998 pendant eux jour pour la création des comités de gestion des quartiers, c’est-à-dire mettre sur pied un comité juridique pour mettre au travail certains jeunes qui sont restés au village. Dans ces comités, il y a -Des cellules d’hygiène et salubrité pour veiller à la propreté des voies publiques et des domiciles privés, -Des cellules de vigilances, soit dix jeunes gens dont deux filles par cellules, -Des cellules de communication et de formation, dix filles et dix garçons par quartier pour vulgariser et expliquer les décisions et projets de la chefferie à toute occasion : deuils, funérailles et toute manifestation populaire, -Des cellules juridiques pour solutionner vite et efficacement les problèmes dont elles maîtrisent les contours parce que vivant dans le village. Voilà, un canevas est esquissé. Mais hélas ! L’élite dans ses disputes stériles l’a renvoyé aux calendes grecques et j’espère que par vos organes de presse, les gens comprendront qu’il faut faire fonctionner les structures pour faciliter les choses.
Question : En 1997, vous avez initié d’importantes réformes coutumières complétant celles de 1989. Vous entendiez par-là faire de Batcham une chefferie aux structures à mi-chemin entre le traditionnelle et le moderne (une sorte de syncrétisme), vous voudriez dotez Batcham d’une cour solide. Et certaines langues n’ont pas manqué de laisser entendre que vous voudriez créer des chefferies de second degré à Batcham. Les travaux se sont néanmoins achevés en queue de poisson et l’accueil à Batcham ne constitue qu’une partie des résolutions. Que s’est-il passé ? Qu’entendez-vous faire actuellement ?
Sa Majesté Robert Tatang: Eh bien, ce n’est pas vraiment le cas mais je dis souvent que nous avons des fondateurs qui, s’ils étaient érigés en second degré, cela ne ferait vraiment pas de problème. Ça ne ferait que faciliter davantage la gestion puisque du premier degré que nous sommes au troisième degré que nous avons, il faut bien dire qu’il y a un manque. C’est donc une fondation que nous avons faite mais l’affaire du CETIC a apporté beaucoup de troubles.
D’autre part, j’ai en plus nommé des sous-chefs éclairé par souci d’illuminer la structure traditionnelle car certaines élites par leur formation pourront se rendre utile en nous aidant à demeurer dans nos traditions sans être en marge des lois en vigueur et de l’évolution culturelle. Vous voyez donc que mon souci était non pas de conserver le pouvoir mais de faire en sorte que les décisions soient mûres. Regardez par exemple à l’hôpital, les gens meurent par manque de soins parce que les funérailles ont raflés les poches. Mais je dis que les morts ne demandent rien à personne. Ils sont morts et seuls les vivants ont besoins des soins. Il faut faire la part des choses : j’ai beau crié halte mais hélas !
Question : La première foire expo-culturelle et artisanale Nguiemboon a eu lieu à Batcham-Balena. Quelles en ont été vos impressions ? Qu’entendez- vous faire encourager de telles initiatives ?
Sa Majesté Robert Tatang: Je dis d’emblée que pour moi, tout ce qui concourt à mieux faire connaître le village est une priorité. On ne consomme que ce qu’on connaît mieux et chacun de nous a quelque chose à vendre. Dommage que tous les fils Batcham à qui j’ai fait confiance n’aient pas toujours su faire. Le but du statut cadre que j’ai fait élaborer c’est de mieux nous organiser et de mieux nous faire connaître. Les structures sont créées par le chef avec l’aide de votre grand frère SA’A. Comment rendre cette foire nationale ou internationale ? Il faut s’allier aux professionnels du domaine et cela n’est possible qu’avec la décentralisation telle que nous l’avons pensé.
Question : La jeunesse Batcham s’est sentie un peu frustrée par un CETIC qui leur avait été offert mais qui semblerait aujourd’hui poser des problèmes tant à l’administration qu’à la population elle-même. Pouvez- vous éclairer le peuple Batcham en ce qui concerne les problèmes de ce CETIC ?
Sa Majesté Robert Tatang: On dit le plus souvent que le faux n’a pas de chance. Je m’explique : A plusieurs occasions j’ai remercié notre élite et plus précisément M. KENNE Paul dit TOON SA’A pour tout ce qu’il a apporté et continue d’apporter dans ce village depuis qu’il a hérité à son père. Le CETIC de Batcham c’est son œuvre ; c’est le fruit d’une démarche personnelle de cette élite au profit du développement de son village. Il y a donc eu cette fausse note car parlant de la concertation élite-chef ; élite –notabilité ; élite –populations, elle est absolument nécessaire. Je dis que c’est un élément indispensable pour que Batcham évolue dans le bon sens. Or le cas du CETIC de Batcham, le CETIC de Fouomekoup je n’avais pas été mis au courant ; ma notabilité non plus si bien que lorsque, le CETIC est venu à ce nom on a cru que ce n’était qu’une erreur visant à changer le nom du village. C’est plus tard que Paul m’a expliqué qu’on ne se leurre pas car c’était avant tout le CETIC de Batcham ville ; donc l’appellation Fouomekoup était dans le but de faire revenir à Batcham ce CETIC. C’est donc sous le fait de l’action que Paul m’a expliqué que ce nom était une protection du Collège. Un problème de site s’est posé ; le poste agricole qui est une propriété du MINAGRI n’a pas donné son accord pour usage à cette fin. Le Sous-préfet de Batcham, je ne sais parce qu’il veut ; il a dû faire même des rapports pour que ce Collège ne soit pas construit à Batcham. J’ai même trouvé un terrain à Bamboué, il a ligué les populations contre moi. Bapepa m’a rapporté une nouvelle selon laquelle le Sous-préfet lui demande un site. Je lui ai demandé de ne pas y aller car il n’est pas le Maire de Batcham. Les gens ont donné de l’argent au Sous-préfet pour qu’il refuse le site de Bamboué. Je ne sais pas ce qu’il veut au peuple Batcham ; à moi et à Paul Kenne en particulier il y a plus d’un an déjà qu’aucun des trois chefs des groupements constitutifs ne prend plus part à ses assises. Voilà une section mobile d’identification qui est venu rendre service. Il est venu l’interdire ; que veut-il ? Pour moi c’était la première fois que les Batcham manifestent leur bonne volonté : 15 millions de francs CFA collectés et voilà le Sous-préfet ne permet pas l’implantation. Il y a eu également discorde entre les élites pour le site : pour certains, il fallait le mettre sur le site du poste agricole. J’ai dû d’ouvrir grand les yeux parce que s’il faut un jour ériger ce Collège en Lycée, il n’y aurait pas de place car l’hôpital est à côté. On ne met pas un hôpital dans un établissement scolaire. J’ignore comment un monsieur comme celui-là peut tout le temps évanouir les espoirs d’un peuple. C’est inadmissible.
Question : L’opinion se souvient que vous avez été un sportif de haut niveau. Il se trouve cependant que Batcham n’ait pas un stade de football, votre discipline préférée. Ne voudriez-vous pas qu’il ait davantage de ‘’petit Robert’’ à Batcham ? Pensez-vous qu’il soit louable que Batcham dont l’un des dignes fils a été le patron des sports au Cameroun se trouve aujourd’hui sans infrastructures sportives ?
Sa Majesté Robert Tatang: Oui, comme je l’ai dit tantôt en 1972 lors du comité de développement j’ai vu le boom venir et aux membres du bureau du congrès j’ai demandé qu’on établisse un plan de développement du village et que dans certains secteurs que l’on puisse implanter certaines structures parce que c’est le problème du site. Je peux d’ailleurs vous avouer que si j’ai pu rétablir ma santé c’est grâce à la pratique du sport. Chaque matin, je suis au footing, ce problème se posera encore longtemps car si on n’a pas de développement je ne vois pas comment nous réussirons. Nous sommes 1033 hts/km2 à Batcham chefferie mais malheureusement les gens ne veulent jamais s’unir pour travailler : seul le culte du moi : j’ai fait, j’ai fait.
Question : Batcham chefferie a actuellement quatre Collèges dont le fonctionnement est effectif. Ne pensez-vous pas qu’il soit urgent de doter la chefferie d’une Bibliothèque quand on sait que vous-même vous êtes un grand lecteur.
Sa Majesté Robert Tatang: Oui en effet c’est ma préoccupation. Comme je vous l’ai dit je tiens à former et à informer le peuple : Batcham doit avoir une Bibliothèque dans sa chefferie. Je demande seulement aux élites de revoir leur conception de la chefferie : ce n’est pas une priorité de chef. C’est le siège des institutions traditionnelles. Aujourd’hui, on ne peut pas faire une réunion à la chefferie, nous n’avons pas d’infrastructures. Le centre d’état civil devrait être bien logé. Si tout était achevé, il y aurait une clôture pour séparer les services intérieurs de la chefferie de se services extérieurs. Je profite de cet organe de presse pour donner la sonnette d’alarme qu’on ne dise pas n’importe quoi pour réduire à néant tous ces signes extérieurs qui font l’honneur de Batcham ou plutôt pour tenir son honneur. Donc une bibliothèque c’est nécessaire mais il faut que l’élite le comprenne.
Question : Sur le plan Majesté nous souhaiterions connaître vos auteurs préférés.
Sa Majesté Robert Tatang: Heum…. (Sourire) auteurs préférés ; Voltaire et bien d’autres auteurs américains mais disons que pour moi le plus important quand je lis c’est d’en tirer la substance nécessaire pour ma fonction car je prends un nouveau livre que j’en connais le contenu. Il faut seulement que je renouvelle ma disponibilité auprès de l’élite estudiantine que vous êtes et de l’élite tout court pour vous apporter tout ce que vous pourriez solliciter. Il faut seulement que le statut cadre soit mis sur pied, que la concertation soit renouvelée et ainsi nous pouvons bâtir quelque chose qui réponde aux aspirations de tous.
Question : Majesté, nous voudrions dire Honorable. Vous avez été député à l’Assemblée Nationale en 1992. Vous n’êtes pas seulement un chef traditionnel, vous êtes politicien. Il semble toutefois que votre engagement politique de les unir, car paraît-il vous n’êtes pas stable. Qu’en dites-vous ?
Sa Majesté Robert Tatang: Ça me fait rire parce qu’en politique on exploite les émotions. Il faut être libre donc apte à choisir. J’ai regretté le fait que les Camerounais ne soient pas mûrs. Je suis autodidacte et dans ma fonction j’ai beaucoup appris. En 90 il fallait goûter u multipartisme. En tant que chef, je suis juge et partie. Quand on fait le bilan aujourd’hui, on voit qu’il est négatif car ceux étaient hier aux affaires font gaffe pour y revenir. Il fallait donc anticiper sur les évènements. J’ai choisi l’opposition pour aller à Yaoundé parce que lorsque le chef de l’Etat est venu à Bafoussam certains ministres m’ont empêché de traduire les aspirations du peuple Batcham. A l’UNDP j’étais membre du bureau politique, vice-président et député à l’Assemblée Nationale. Comme vous le savez, je n’ai pas fait la politique pour la politique. J’ai cru à un moment au changement qui consistait pour moi à œuvrer pour l’éclosion du génie créateur des Camerounais. Pour moi l’Etat seul ne peut pas construire un peuple ; seuls les impôts ne peuvent pas construire ce pays ; il fallait libéraliser tout pour permettre aux différentes potentialités de servir. Je suis allé à Yaoundé mais j’ai vu vite que le président Bello Bouba ne vibrait pas au même diapason que nous, au contraire il s’agissait de profiter de la politique pour atteindre le pouvoir ; mais moi je suis chef traditionnel et dans mon groupement il y en a qui sont proches du pouvoir et j’ai mon peuple ; à défendre. Si donc j’échoue en politique, je sacrifie mes fils. Il fallait alors anticiper sur cette situation mais beaucoup ne m’ont pas compris. Il est vrai que le Gouvernement un temps nous a compris en nous donnant un ministre, un secrétaire général. Or le président et ses hommes et quand ils posent des actes comme ça ils méritent des remerciements mais le peuple Batcham a été totalement ingrat. Or comme on le dit souvent, la politique est un terrain où tous les virages à 90 sont permis ; on peut dire oui le matin et non le soir quand l’intérêt de la communauté est en avant-poste.
Question : Quels sont vos projets pour l’an 2000 ?
Sa Majesté Robert Tatang: Le premier objectif et projet : remercier les populations d’avoir compris qu’il faut que nous fassions connaître notre village sur le plan national et international. Il n’est pas bon que nous formions des gangs de bandits. Je veillerais à ce qu’il y ait un peu plus de solidarité agissante parce qu’on n’a pas toujours deuil lors d’un décès. Mais il faut qu’on s’organise qu’on se soude les coudes pour mieux prévoir, mieux agir car les funérailles ayant tout ravagé. Il n’est pas normal que cela continue. Il faut envoyer nos enfants à l’école comme tout le monde. Il faut savoir que tous nos enfants sont devenus des petits commerçants et cela ne fait pas progresser dans ce monde où le développement des cultures est galopant. J’exhorte tout le monde à la prise de conscience de l’honneur quel que soit notre dynamisme hors du village ; il y a un point qui devrait le refléter : c’est le siège des institutions traditionnelles, c’est la chefferie et la personnalité du chef. Cela fait honneur aux Batcham.
Question : Avez-vous un message à adresser à la jeunesse Batcham et l’ACEEBY en particulier ? Que pensez-vous de cette jeune association ?
Sa Majesté Robert Tatang: Mon message est un souhait, une exhortation à la prise de conscience du rôle qu’elle doit jouer car c’est sur leurs épaules que repose ce gros village et lorsque je pense que jusqu’ici beaucoup de choses n’ont pas été faites, alors la jeunesse aura du travail parce que les élites n’ont pas su exploiter tout le patrimoine disponible. C’est elle qui en paiera les factures et ce ne sera pas évident. Les jeunes devront savoir le faire sans tricher. Vous allez aujourd’hui à l’école ; sachez que vous devez affronter la vie demain. Il n’est plus la même jeunesse aujourd’hui. Si elle s’accroche à moi, je profiterais pour m’adresser à l’élite que notre image pourra être ragaillardie. Les lendemains de notre village c’est que demain quand chacun sera appelé auprès du créateur, qu’il soit fier d’avoir vécu ; que chacun autres, le fasse sur lui-même. Je dis que les espoirs des Batcham reposent sur cette jeunesse. J’ai été ému de l’invitation de la jeunesse Bamboutos à Douala pour présider les journées culturelles. Batcham à ainsi rayonné de l’extérieur mais je crois que Batcham interne doit profiter de mon expérience. Hier on pouvait réussir sans niveau mais aujourd’hui ce n’est plus le cas ; on ne va pas à l’école pour aller mais pour avoir un bagage pour s’en sortir, pour évoluer dans la vie. Je dis des bailleurs de fonds pour la construction de la chefferie que cela n’est pas possible. Je suis disponible à vous aider, je suis prêt à répondre favorablement à toutes vos sollicitations.
Nghie Pouopatsoon : Majesté, nous vous remercions infiniment.
Sa Majesté Robert Tatang: C’est moi qui vous remercie. /.
Propos recueillis le 30 juin 2000 par Alain Marcel Fomekong et Constant Nwentsa Takala
© Mesa’ako Patsoon N° 009 juillet 2025, édition consacrée au Laakem et la sortie officielle de Fouo Djiotsoon
L’histoire du peuplement de la Commune de Batcham nous informe que ce peuple originaire des grassfields tire son origine des mouvements des populations venues de l’Egypte ancienne. Etroitement liés aux Bamilékés et aux Tikars par leurs ancêtres communs ils se sont installés à Nzié dans le groupement Bangang. C’est de ce lieu mythique que les peuples Ngiemboon à savoir Bangang, Batcham, Balessing, Balatchi et Batang tirent leurs origines.




Sur proposition anonyme des participants, j’ai été coopté par le Sous-Préfet comme Président et Monsieur Dagha Gilbert comme Trésorier, tandis que MEKAZUNG Jean Emile assurait le secrétariat et Madame Mafouo le secrétariat adjoint. Les Chefs des Communautés Batcham, les présidents des Secteurs de Développement et le président de la réunion des princes de la chefferie Batcham ont été désignés Vice-présidents.





